Dans une société comme la nôtre, où les droits des femmes ont considérablement progressé et où un certain consensus réside autour de l’égalité des sexes, pourquoi notons-nous toujours une surreprésentation des femmes dans la réalisation des tâches liées aux soins en proche aidance ?
Les tâches majoritairement endossées par les femmes peuvent se réunir sous l’étiquette du « care », représentative d’une attention active portée aux besoins d’autrui.[1] Nous souhaitons ainsi explorer avec vous la définition de cet anglicisme, afin de démystifier les principales différences vécues dans l’expérience de la proche aidance chez les femmes.
« Care » est un mot difficile à traduire, car il laisse sous-entendre deux couches de sens absentes des traductions francophones :
Cette définition du « care » nous permet ainsi de comprendre que les tâches typiquement féminines en proche aidance englobent des actions nées d’un sentiment affectif de responsabilité à l’égard d’un proche et portées sur des pratiques de soin dédiées au bien-être. [2]
Mais encore, pourquoi est-ce majoritairement les femmes qui ressentent cette préoccupation fondamentale du bien-être et des soins d’un proche ?
Par leur éducation et leur socialisation, les femmes se font transmettre des stéréotypes importants qui leur attribuent des compétences «innées» pour le soin. Grandement associées au principe de « l’instinct » maternel, on leur transmet très tôt des valeurs fondées sur le sens de la responsabilité envers l’autre, du souci, du soin, de l’aide, du sacrifice de soi. [3] Cette éducation et cette transmission de valeurs mènent les femmes à assumer la responsabilité du bien-être émotionnel et physique des autres. Dans la mesure où ce champ de compétence est largement considéré comme naturel et inné – en plus de représenter un travail émotionnel non quantifiable - le travail du « care » exercé largement par des femmes manque grandement de reconnaissance dans notre société.
Le « care » nous permet alors de comprendre que les tâches en proche aidance principalement occupées par des femmes ne sont pas innées, mais bien transmises par l’éducation et les valeurs de la société associées à la féminité. Paradoxalement, en présentant ces compétences comme naturelles, la société a tenu pour acquis et invisibilisé le travail des femmes dans le domaine du « care ».
Nous jugeons qu’il est important de soulever ces phénomènes pour tendre à une division plus équitable des activités de soin - en reconnaissant que le « care » devrait être une valeur éthique transmise à toutes et tous - mais également pour mettre de l’avant une meilleure reconnaissance de l’ampleur du travail essentiel accompli par les proches aidantes. Ces dernières, spécialistes du « care », accomplissent des activités qui dépassent amplement le domaine des sentiments individuels pour accomplir un rôle sociétal de haute importance. [4] Il est temps de reconnaitre la réelle valeur de ces compétences, de ces actions et de cette posture émotionnelle d’écoute active aux besoins d’autrui qu’entreprennent quotidiennement les proches aidantes.
La charge émotionnelle : un poids non-négligeable !
Les tâches liées au « care » comportent un aspect important et invisible, soit : « une attention et un souci constants aux attentes, aux réactions et aux émotions d’autrui [engendrant] une charge émotionnelle permanente et invisible [chez l’aidante] ».[5] Cette charge émotionnelle peut engendrer de hauts niveaux de stress, de détresse émotionnelle et d’épuisement. À cet égard, 40% des proches aidantes considèrent que leur rôle implique des responsabilités stressantes ou très stressantes, contrairement à 20% chez les hommes.[6]
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